Mémoire de DEA*
Par Yasmina

L'anthropologie au service du développement et des échanges

e 13 octobre dernier, j'ai soutenu mon mémoire de DEA avec mention très bien à l'université de Paris 8 à Saint Denis (93). Ce qui n'est pas mal pour quelqu'un qui n'avait jamais fait l'université ! Comme quoi dans la vie tout est possible. Je précise cela spécialement pour tous ceux qui ont fait des études en pointillés ou qui doutent de leurs capacités !

On m'a même dit que j'avais fait un travail très académique ! Quel exploit pour une Yasmina qui depuis sa plus tendre enfance n'était jamais rentrée dans les cases ! ! On m'a dit aussi que mon travail était " une recherche de vérités bonnes à dire " et que " mon travail était un travail utile "...
Le travail est devant mais le sillon tracé est le bon. Chercher à comprendre tout en entreprenant...

Et m'interroger est sans nulle doute une nécessité pour moi. Me donner les moyens de comprendre un peu plus ce Burkina auquel je suis tant attaché.  Seule l'anthropologie pouvait m'en donner certaines clefs essentielles. L'exigence augmente pour moi qui vit une immersion au Burkina toujours plus grande. Lorsque je rencontre certains Français qui viennent avec leurs projets, je les perçois aujourd'hui autrement car je me situe du côté des Burkinabé. La manière dont ils vont agir à notre endroit me touche ou m'éclaire, me blesse ou me met en colère. C'est très intéressant cette acculturation progressive que je vis au fil des jours et des « dossiers à gérer ». Par rapport au développement, je réalise toujours un peu plus combien ce n'est pas le pays qui va changer c'est-à-dire « la mentalité ». Par contre les gens veulent améliorer leur vie, c'est cela le développement. Comment trouver les moyens d'améliorer sa vie dans la dignité et l'indépendance. Et si du côté des développeurs, l'on ne connaît pas le terrain, la société, son fonctionnement et son histoire, c'est l'échec assuré, une perte de temps et d'argent grandiose. Trop de projets se trompent en réalité d'objectifs. Ce qui est important pour moi, Français, ne l'est pas forcément pour l'autre Burkinabé. Trop de gens intervenant dans le développement arrivent ici avec des stéréotypes et des modèles à plaquer. Et le pire, c'est que temps qu'ils passeront ici ne leur permettra pas forcément de s'en rendre compte, mais plutôt sera sources de critiques objectives sur comment sont les Burkinabé ! Nous sommes différents, nos sociétés sont différentes. Il faudrait accepter cela comme postulat et ne pas chercher à ce que la société de l'autre change et que les gens fonctionnent comme nous. Quel monde ennuyeux, si au final, la mondialisation conduisait à un mode de vie unique et à une vision du monde unique, enracinés dans l'individualisme, le matérialisme, le capitalisme et la rigueur scientifique. Ce n'est pas cela qu'il faut chercher. Bien des gens passent à côté de l'Afrique. J'en suis de plus en plus convaincue, car ils se placent de leur propre point de vue pour l'analyser, chercher à la comprendre et la faire changer. Dans un premier temps, c'est normal de commencer par là. Mais on ne peut baser en aucun cas la réalisation d'un projet sur cette base. Chaque jour, j'en découvre un peu plus, parce que j'en vis un peu plus. Et certainement que jusqu'à la fin de ma vie, le Burkina restera assurément une véritable, une difficile et une magnifique école de la vie ! Je n'ai aucune prétention à dire que j'ai tout compris. Bien au contraire ! C'est pourquoi je cherche toujours à comprendre et à partager ce que je vis si c'est intéressant pour les autres. D'ailleurs pour ce faire, j'ai bien l'intention de poursuivre en doctorat d'anthropologie cette recherche entre actions et réflexions…

       Yasmina Badolo




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