pal ou plutôt son ennemi était son impulsivité qui pouvait le conduire dans bien des bagarres inutiles et multiples problèmes. C'est à dire qu'il réfléchissait toujours après avoir posé ses actes ! Il aimait bien boire aussi ! Je luttais contre cela et je m'accrochais. Lorsqu'il buvait nous avions droit à d'énormes fracas ! Aujourd'hui mon cœur me dit qu'il a dû être recruté chez les rebelles en Côte d'Ivoire ! Il en a le profil en tout cas. Et c'est vrai, je m'inquiète. On sait comment les jeunes sont recrutés et formés pour effectuer leurs attaques dans les guerres civiles. Un peu d'argent, de la drogue et de l'alcool. Mais je sais aussi que si Ablassé a eu la chance de rencontrer quelqu'un de bien, un jour je le reverrai peut-être fier de lui-même.


Abbas

L'homme tranquille ! mais attention un grand voleur ! Abbas pouvait rester assis durant des heures sans parler. Placide, il inspirait la confiance et paraissait beaucoup plus mur qu'Ablassé. Mais il faut se méfier de l'eau qui dort... en 1995, alors que j'étais en France, Abbas est arrêté pour vol. Il n'a pas le temps de fuir devant la police qui tire sans sommation. Abbas est arrêté une balle dans le bras et jeté en prison sans soin. Il perdra une partie de l'usage de son bras. Ce sont les prisonniers qui vont le soigner et extraire la balle après des jours de fièvre.... Abbas m'a raconté que c'était avec du gombo frais que les prisonniers avaient extrait la balle ! Mineur, Abbas a la chance d'être placé après son jugement dans le quartier des enfants. Ce qui est moins pire, car au moins il n'est pas au contact des grands bandits du Burkina. Nous le faisons sortir en 1997 après plus d'une année d'incarcération. Il fera alors de la couture et reprendra les cours du soir. Aucun problème a lui reprocher durant les 18 mois que nous partagerons dans la même maison. Et plus même, lorsque nous fermons la maison faute de moyens, Abbas s'organise et recueille tous les Dalton. A la fermeture de la maison en 1999, j'avais pris soin de leur chercher un travail à chacun d'entre eux. Ils s'installent tous ensemble. Même si cela n'a pas duré très longtemps. Difficile en effet de réussir sans un véritable tuteur au milieu des Dalton. Bref au bout de quelques mois, Abbas a replongé pour vol, une année, cette fois avec les adultes. Prisonnier modèle, il a bénéficié d'un changement de peine. Il a fait ses derniers mois au commissariat de police où il nettoyait la cour et lavait les voitures. Tous ceux qui ont connu Abbas se sont attachés à lui. C'est ainsi qu'un gendarme l'a considéré comme un petit frère. Il lui donnait la pièce et lui confiait de petites tâches. J'avais même rencontré le chef de la gendarmerie pour qu'il m'aide à trouver du travail à Abbas. Mais voilà, notre Abbas fidèle à lui même a osé un coup que seul un DALTON aurait osé ! Il a volé la mobylette du gendarme qui le soutenait, l'a revendu et a disparu dans la nature.... Depuis je ne l'ai jamais revu... il a fui à l'étranger. Valait mieux ! ! Mais comble de la vie, Georgette qui était partie de son côté à l'aventure en 2003/2004 au Gabon où elle travaillait dans un casino, m'appelle un jour. Elle était à la frontière du Cameroun et avait retrouvé Abbas par hasard. Ils ont même fait une photo qu'ils m'ont envoyée. Le monde est grand mais si vous prenez une carte, vous saurez qu'il est petit aussi ! Sinon comment imaginez un seul instant que deux Dalton puissent se retrouver ainsi.... Mais le meilleur : Abbas est devenu gardien de jour dans une entreprise. Rien de tel qu'un voleur pour garder sa maison !


Dieudonné

était l'enfant le plus fiable. C'était un enfant avec de l'or dans les doigts. Nous l'avions orienté dans la menuiserie. Mais il était influençable et souvent il a fallu briser la mauvaise influence de Saidou à son endroit. Il travaillait comme apprenti  chez un menuisier. Ça a duré plusieurs années. Dieudonné avait même ré

ussi à s'installer. Je l'avais aidé en avançant ses outils. Nous nous étions entendus pour qu'il me rembourse petit à petit.  Mais tout cela n'a pas suffi à le tirer vers le haut. Un beau jour il a vendu tout son matériel et a sombré, retrouvant la rue. De bagarre en bagarre, il m'a demandé un jour de l'aider. Il voulait faire de la sorcellerie pour que le couteau ne rentre pas dans son bras... Il avait très peur et certainement qu'il s'était fourré dans un dossier qui le dépassait parce que je me souviens de ses plaies et de ses tremblements. Mais j'étais bien démunie pour l'aider et surtout très en colère qu'il ait vendu tout son matériel. Les outils avec lesquels il devait façonné son avenir. Entre temps, il était devenu parqueur (gardien de parking)….


Georgette...

Après plus d'une année à l'extérieur, elle est rentrée au Burkina sans rien. Certains ont raconté qu'elle avait été expulsée du Gabon avec de nombreux Burkinabé parce qu'ils étaient clandestins. Je n'en sais rien. Un jour, elle me racontera. Peut-être d'ici 5 ans ! Car avec Georgette, j'ai l'habitude et je suis patiente. Si elle refuse de répondre à une question, elle le fera lorsqu'elle l'aura décidé ! Après avoir cherché du boulot pendant plus d'une année à Ouagadougou, sans succès, Georgette, vient d'ouvrir un petit kiosque devant la maison de son défunt père grâce à l'aide d'amis communs. Geo! Geo Dalton, c'est 105 kg de caractère, le jean débraillé, butée et toujours en action ! Nous lui souhaitons bonne chance. Ouvrir un restaurant, c'est son rêve de toujours…et  ses qualités relationnelles et ses nombreuses relations ne manqueront pas de lui amener des clients… sauf si bien entendu la mairie ne vient pas fermer son coin. La demoiselle a en effet ouvert avant l'obtention de l'autorisation municipale ! Mais elle doit se battre aujourd'hui plus que jamais. Natacha, sa fille de 10 ans est atteinte par le VIH/SIDA. Elle avait été transfusée voilà 5 ans suite à un très mauvais palu dans un hôpital public.  Aujourd'hui elle a accès à la tri-thérapie après un long parcours du combattant. Mais Natacha est une battante comme sa maman ! À 10 ans, elle est au CM 1.


Enfin Saidou...

Saidou a grandi et il ne bénéficie malheureusement plus des circonstances atténuantes liées à son enfance, à sa bouille et à son handicap. Il a choisi la rue qu'il aurait pu quitter à diverses occasions. Il a pris le chemin de la vraie délinquance. La colle est son amie fidèle. Aujourd'hui je me méfie de lui. Il m'a menacée avec son couteau, sous l'effet de la drogue. J'étais avec mon fils aîné qui a eu très peur. Et ça c'est le début de la fin, car la rue l'a absorbé trop loin, plus loin que ce que nous nous avons vécu ensemble. Et pourtant nous en avons vécu des choses ensemble... je ne l'ai peut-être pas accouché mais j'ai porté Saidou comme personne n'a jamais porté ni aimé cet enfant. Aujourd'hui, la vingtaine d'années l'a entraîné vers l'âge adulte et la mendicité ne marche plus comme avant ! le banditisme devient donc son seul remède.... Même les autres enfants de la rue que je connais toujours aujourd'hui me disent qu'il déconne et que la police l'a déjà menacé plusieurs fois. Son handicap ne le sauvera plus !


Voilà l'histoire de quelques Dalton et quelques nouvelles partagées avec ceux qui les ont conns au cours de nos multiples épopées. La rue est un monde, ils sont des milliers aujourd'hui à y vivre. L'insertion n'est pas facile. Plus les enfants durent dans la rue et plus c'est dur. Je ne veux pas leur donner d'excuses mais j'ai remarqué que souvent leurs embrouilles sont les conséquences d'une succession de circonstances qu'ils n'ont pas su maîtriser.... C'est pas facile parce que la vie n'est pas toujours facile...

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Dunia Kibaré

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