Rencontre avec Nicolas Sawadogo Sougouri Ramoudou
Artisan bogolan
- Entretien -
J’ai rencontré Nicolas, artisan bogolan à Ouagadougou alors qu’il partageait sa passion avec la classe de moyenne section où était mon fils qui en a gardé un grand plaisir ! Nicolas a huit ans d’expériences dans la confection de bogolan dont cinq années professionnelles et 3 années de formation. Il aime la nature, son travail, les enfants et la transmission de ses techniques artisanales. Une passionnante rencontre qui nous a amenés à l’organisation d’une nouvelle tournée d’échanges culturels. Les enfants de France auront aussi l’occasion de partager sa passion ... |
Bonjour Nicolas, peux-tu nous expliquer ce qu’est le bogolan ?
Le bogolan, est une technique de teinture traditionnelle avec des matières traditionnelles. On utilise les feuilles d’arbres, d’écorce et de racines., voire les fruits pour réaliser la teinture. Et le tissu qu’on utilise est le pagne traditionnel. C’est un tissu à base de coton filé et tissé par les tisserands au village. Il est constitué par des bandes de 8 cm à 12 cm qui sont assemblées à la main.
Donne moi des noms d’arbres que tu utilises
Les arbres que j’utilise sont nombreux, mais les principaux sont le ciga dont on utilise les feuilles, l’acacia milotica dont on utilise les fruits, le caïcédra et le résinier dont on utilise l’écorce. On peut aussi citer le néré, mais la liste est longue.
De quand date l’utilisation du bogolan ?
Son utilisation remonte loin dans le temps. A l’origine, on l’utilisait pour salir le blanc, car l’utilisation du blanc est difficile, du fait qu’il est salissant. Avec la poussière dans nos villages, le blanc vire immédiatement au beige. L’entretien est donc délicat. A propos de l’origine du bogolan, voici l’histoire qui nous a été transmise : Un homme était allé se reposer auprès d’un marigot. Il avait déposé son habit sur les branches d’un ciga. Le lendemain il a constaté que son habit était tombé à terre, mais pas dans l’eau. Quand il l’a ramassé, l’habit s’est noirci. En effet, les feuilles du ciga qui contiennent du tanin en tombant dans la boue ont créé une réaction. Le tanin est la substance teintante de l’arbre et la boue contient de l’oxyde de fer. La réaction de ces deux substances a donné une couleur noire à l’habit. Le noir étant plus facile que le blanc, la technique a été gardée par les habitants. D’autres expériences ont alors été menées avec d’autres arbres. Par exemple, le résinier nous donne une couleur plutôt orange ocre.
Quelle est l’utilisation actuelle du bogolan ?
Son utilisation est à buts vestimentaires et décoratifs. Pour ma part, je réalise une gamme de produits très large. Je fais tout à la commande : habits (pantalons, jupes, habits pour enfants), nappes de table, nappes décoratives, draps de lits, dessus de lits, rideaux. Et chaque pièce est unique.
Quelles sont les étapes pour réaliser un bogolan ?
Dans un premier temps, il faut avoir les matières premières pour commencer les préparatifs. D’abord le tissu, il doit être écru. On peut passer directement du tissu écru à la teinture. Mais la meilleure technique consiste à passer le tissu écru à l’eau bouillante; ce qui libère le tissu de toutes les saletés et le prépare à l’absorption. C’est alors qu’on peut tremper le tissu dans la teinture. Les fibres gonflées par l’eau l’absorbent plus facilement. Maintenant en ce qui concerne la teinture, il y a 2 préparations. Soit on fait bouillir les feuilles ou les écorces, si on est pressé ; ou alors on peut les faire tremper. Ce dernier processus nécessite davantage de temps, selon les teintures, entre une journée et une semaine. Le bogolan n’est réalisé qu’avec des matériaux naturels.
Prenons l’exemple du ciga. Je fais bouillir les feuilles (un volume de feuilles pour 10 volumes d’eau). Puis je tamise le jus obtenu et je trempe mon tissu une première fois. Je l’étale au soleil. J’obtiens alors un tissu dont la couleur est légèrement jaune. Si je veux que la couleur soit plus foncée, je trempe mon tissu dans un second bain. Compte tenu qu’à chaque trempage, le tissu ne peut absorber qu’une certaine quantité de tanin, selon le foncé que je veux, je devrai tremper de une à quatre fois. Puis je laisse sécher au soleil.
L’étape de la boue consiste à aller sur le terrain chercher de la boue. Généralement il faut la prélever au fond des barrages, car avec les écoulements d’eau des pluies, de nombreux déchets se déposent au fond des barrages. Ces déchets s’oxydent et donnent alors une boue déjà riche en oxyde de fer. Le tanin comme je l’ai dit plus haut, associé à l’oxyde de fer, donne du noir. Rentré à la maison, je concasse la boue et je la place dans un canari avec de l’eau pendant une semaine au minimum. Il y a un temps d’évaporation nécessaire. C’est pour cela qu’il faut utiliser un pot en terre qui soit poreux. Un seau en fer se rouillera rapidement et le plastique empêchera l’évaporation, tandis que le canari va en effet laisser évaporer l’eau. A ce moment, on rajoute de l’eau de ciga pour commencer à noircir la boue. Après ce processus, on délaye la boue et on la tamise pour enlever toutes les saletés. Elle ne doit être ni trop liquide ni trop visqueuse. On utilisera alors un bâton pour réaliser des dessins sur les tissus qui avaient été teints.
Le bogolan est il lavable ?
Oui, naturellement le bogolan est lavable. Mais tout dépend de la préparation qu’on aura faite sur le tissu. Si le tissu n’est pas préparé comme je l’ai expliqué, il ne peut pas bien absorber la teinture. Toutes les fibres n’absorbant pas bien la teinture par manque de trempages, au lavage, la couleur s’estompera beaucoup plus rapidement.
On voit souvent des bogolans vendus aux touristes à Ouagadougou. Mais une fois rentrés en France, leurs couleurs s’estompent rapidement.
Justement c’est à cause de la préparation du tissu. Un tissu bien préparé conservera beaucoup plus longtemps sa couleur. Et une boue bien préparée assurera des dessins noirs qui ne bougeront pas.
On peut dire que tu aimes vraiment le bogolan ?
Oui, car je suis dans le bogolan par passion. J’aime l’esprit de créativité et la liberté que ce travail me donne. J’ai aussi la satisfaction de voir les gens contents de ce que je fais. Le contact avec la nature est important aussi. Je tiens certainement cela de mon père qui était un forestier. Du coton à ramasser et à tisser, au bogolan réalisé, c’est toute une chaîne naturelle.
Et cette chaîne crée aussi du travail. Elle permet à différentes personnes de recevoir quelque chose aux différentes étapes. Celui qui ira ramasser les feuilles et les écorces recevra quelque chose, celui qui ira ramasser la boue aussi... de plus, ça développe la filière du coton et encourage les jeunes à apprendre le métier de couture, car il y a de la demande !
Qu’est ce qui te plairait dans le fait d’aller en France partager ta technique avec des petits écoliers ?.
Je souhaiterais donner aux autres une vision différente de la nature à travers son utilité directe et de ce qu’elle a à nous offrir. La nature est si riche !
Merci Nicolas
et rendez-vous en France !
La tournée d'échanges culturels 2005 / 2006 : fabriquons du bogolan